Le Design Council, organisme de bienfaisance indépendant et conseiller du gouvernement britannique en matière de design, a récemment publié un article soulignant la place cruciale du design dans l’économie britannique. L’article, “The Future is Design”, explore la position du design au Royaume Uni, son impact sur la croissance et l’innovation, et établi une vision de son futur. Quelques retours sur les points marquants :
Une montée en puissance impressionnante
L'article nous explique d’abord que l’économie du design au Royaume Uni a généré 85,2 milliard de dollars de valeur ajoutée brute dans le pays, soit environ 7% de la valeur ajoutée brute annuelle. Cette valeur ajoutée brute a augmenté de 10 % depuis 2014. Le plus étonnant vient peut-être de la différence de croissance, de 2010 à 2016, entre le secteur du design (+51%) et ceux de la photographie, la télé, la radio ou le cinéma (+20%). Cela contredit de nombreux a priori qu’on pourrait avoir sur un secteur comme celui du design, qui est rarement montré comme un des plus actifs ou productifs de l’économie. Cette augmentation de l’activité vient notamment du nombre croissant d’entreprises de design, qui a augmenté de 63% depuis 2010, là où le nombre d’entreprises dans le pays n’a augmenté que de 3,7 % en moyenne.
Une place grandissante d’abord liée à une demande grandissante
Si les entreprises de design et les designers freelance bénéficient de la croissance du secteur, c’est aussi le cas des entreprises britanniques qui utilisent de plus en plus le design pour innover et gagner en productivité. Sans demande, il n’y aurait pas tant d’offre !
Dans le secteur de la banque, des télécommunications, des nouvelles technologies et de l'aérospatial par exemple, on observe un investissement grandissant dans les compétences design pour améliorer les produits et process et permettre une meilleure expérience client pour les usagers via plus d’innovations centrées sur eux.
Du coup, ce sont 1,69 millions de personnes qui travaillent maintenant dans l’économie du design au Royaume Uni- une hausse de 29% depuis 2010. C’est à peu près autant que celles travaillant dans le secteur hospitalier, mais c’est surtout le rythme accéléré de cette croissance qui est impressionnant, et représentatif du lien existant entre le design et la 4e révolution industrielle. Cette hausse équivaut à près de trois fois le taux de croissance de l’emploi de l’économie britannique entière sur la période.
Néanmoins... des défis à relever :
Alors que le Royaume Uni se rapproche du Brexit, le design a un rôle crucial à jouer pour aider le pays à répondre à des changements et challenges de long terme.
Le design a également un challenge lié à la diversité, puisque les femmes sont minoritaires dans le secteur. C’est une tendance difficile à changer depuis 2015 :les hommes représentent 78 % de l’économie du design. Cela est d’autant plus prononcé dans les secteurs du design industriel et de produit, avec 95% d’hommes. Et quand bien même les femmes ont un poste dans le secteur du design, elles n’atteignent pas les postes de leadership ni de management, ce qui est tout à fait décevant.
Londres et le Sud-Est continuent à bénéficier largement de l’économie du design. Presque une entreprise de design sur trois opère à Londres, et beaucoup des deux autres tiers sont regroupées dans des grandes villes comme Manchester. La diversification de la localisation des entreprises et de l’activité est un autre challenge à prendre en compte, pour tenter de rendre le design accessible à tous les environnements.
Le design numérique est l’exportateur design le plus vertueux du Royaume Uni. Le pays fait parti des leaders mondiaux dans les exports design, à la 6e position mondiale après la France, la Suède, les USA, Hong Kong et l’Allemagne. Néanmoins, le pays a perdu une place depuis le rapport de 2015, un avertissement à prendre en compte, d’autant plus que d’autres marchés comme la Chine, la Corée du Sud et les Emirats Arabes Unis investissent de façon significative dans l’innovation et le design.
Bilan
L'utilisation du design dans l’économie britannique est certes en forte croissante, mais, surtout, elle aide les entreprises à innover et à améliorer leur productivité. Ce potentiel reste malheureusement inexploité dans trop d'endroits et d'entreprises au Royaume-Uni. Cela met surtout en évidence un énorme potentiel de croissance pour le design afin de dynamiser encore l'économie britannique, comme il l'a fait précédemment, à des moments clés du changement industriel de notre Histoire, aidant à la fois les entreprises, les régions et les britanniques à prospérer. Alors que le pays fait face à des défis économiques sismiques (productivité stagnante, manque d’équilibre régional,..) et à de nombreux changements, il est temps, selon le Design Council, de se tourner à nouveau vers le design.
Plus largement, cet article redonne de l’importance au design au cœur d’une économie secouée par de nombreux changements. Il appuie l’idée que les compétences design peuvent être des réponses pour renouveler l’innovation et donc pour dynamiser des résultats économiques souvent stagnants. A quand un article de ce type pour mettre en avant le secteur du design de services en France ? Et pourquoi pas d’ailleurs venir le relier au champ de l’innovation publique ? Si on n’a pas actuellement de mesure d’impact du design sur les politiques publiques (voir notre article précédent à ce sujet), il existe de nombreux exemples qui nous montrent combien le design peut apporter de la valeur via de l’innovation dans le secteur public. En tout cas, aux Beaux Jours, ce sont les méthodologies du design que nous mobilisons pour plus d’innovation, de participation et d’inclusion dans les dispositifs, services et politiques publiques, pour remettre les usagers au coeur des réflexions !
....et le design en France ?
- La population totale de designers exerçant leur métier à titre principal se situe dans une fourchette de 30 à 33 000 personnes, et l’ensemble des personnes concernées par l’activité est évalué plus largement entre 45 et 55 000 personnes. On est donc bien loin du nombre de personnes dans le secteur au Royaume-Uni !
- La concentration de la profession est aussi une limite pour la France : 70% des structures de l’échantillon se trouvent dans les Régions d’Ile-de-France et de Rhône Alpes. Les plus grosses structures, de plus de dix personnes, se trouvent presque toutes en Ile-de-France (80% d'entre elles). La Région Rhône-Alpes a en revanche un plus grand nombre de structures de deux ou trois personnes. Néanmoins, des Régions émergent : PACA, Aquitaine, Pays de Loire, Bretagne.
- Les rémunérations sont très inégales : 33% gagnent moins de 25 000 euros, 21% gagnent plus de 70 000 annuels, dont 15% plus de 90 000 ! Les autres étant répartis de manière quasi homogène sur toute la gamme des rémunérations. Le salaire médian, lui, est d’un peu plus de 35 000 euros.
La moitié des entités sont des designers indépendants, les autres sont pour moitié des structures de 2 à 3 personnes, pour moitié des structures de plus de 3 personnes (22% ont plus de 3 designers).
On observe une tendance à l’éparpillement de la profession en de nombreuses petites structures, sans doute plus souples face à la crise et l’accroissement des relations de sous-traitance entre agences et indépendants. 24 % des agences font ainsi appel régulièrement à des designers freelance et 61% d’entre elles le font occasionnellement. Cette situation diffère de la situation en Grande-Bretagne dont on a parlé ci-dessus, où l’effectif des agences a connu une forte croissance depuis 2005.
D'après l’étude sur laquelle nous nous basons ici, les activités traditionnelles se maintiennent : la moitié des structures exerce une activité de design produit. Elles étaient 60% en 2002. Viennent ensuite l’aménagement d’espace (37% inchangé), le graphisme (33%) et l’identité visuelle et le corporate (27%) le packaging (18% contre 35%). Des activités nouvelles se développent : Design de service (11%), Multimedia (8%), Interface et interactif (9%) Mais aussi design sensoriel, design sonore et design culinaire.
Dans l’étude, parmi les freins perçus à l’usage du design par les entreprises : la méconnaissance du métier (84%)et de son coût (77%), Une mauvaise expérience antérieure (30%). Seuls 27% évoquent des éléments liés au marché.
Le design est reconnu comme une ressource et une forme d’innovation au Royaume-Uni. 60 % des entreprises ont recours au design au Royaume-Uni, contre 40 % en France. Le design numérique est en pointe avec des croissances à deux chiffres dans tous les aspects de l’étude. La conclusion du Design Council : «Design is a UK success story». Pour autant, ses défis, comme en France, sont nombreux : les besoins d’une meilleure répartition géographique, d’une meilleure représentativité sociale, ethnique et de genre dans ses métiers.
D'après “Economie du Design”, 2010, réalisée par le consortium de partenaires : Agence Pour la Promotion de la Création Industrielle (APCI), Cité du design et Institut Français de la Mode (IFM), pour le compte de la Direction Générale de la Compétitivité de l’Industrie et des Services (DGCIS), ministère de l’Economie de l’Industrie et de l’Emploi.